Kossi Aguessy


« L’Afrique doit oublier aujourd’hui pour mieux penser demain »

Bachelier à 13 ans, ce Togolais surdoué est une valeur montante dans le monde du design et de l’architecture d’intérieur.

Des millions de neurones qui s’activent… Une multitude d’informations ingurgitées en un rien de temps… C’est le branle-bas de combat dans le cerveau de Kossi Aguessy quand il lui faut aménager un appartement, créer un « chez soi » à l’intention d’un autre. Pour ce génie du design et de l’architecture d’intérieur, reconnu surdoué dès l’enfance, rien de plus excitant. Ni de plus épuisant.

« Je m’investis à 200 % et passe tout mon temps avec mon client pour comprendre comment il vit et se déplace dans l’espace. Il faut que je parvienne à ressentir les choses comme lui. C’est très troublant et assez schizo­phrénique ! »

Avant-gardiste et passionné de nouvelles technologies

Il tente de repenser la place de l’homme dans son environnement. Enfant déjà, il imaginait de nouvelles formes de mobilier…

Né à Lomé, en 1977, d’un père togolais et d’une mère brésilienne, Kossi Aguessy a vécu dès l’âge de 3 ans à New York, avec sa mère. Jugé surdoué et scolarisé dans des établissements spécialisés, le jeune Kossi a du mal à se socialiser : les enfants de son âge l’ennuient. À la maison, sa mère impose une discipline de fer et Kossi a tendance à s’enfermer dans sa chambre. Un jour, il vide un placard à vêtements et le transforme en… immeuble. Chaque rayon devient un étage, qu’il aménage avec du mobilier de sa fabrication. C’est son jardin secret… Jusqu’à ce que sa mère découvre le pot aux roses et détruise sans pitié la maison de ses rêves. Cela reste, dit-il, un traumatisme. « Elle a réagi ainsi parce qu’elle a pris peur. Je me construisais une autre réalité. »

Inscrit au lycée français de New York, Kossi obtient son bac à l’âge de 13 ans. Pour le féliciter, sa mère lui offre des vacances à Londres, mais se montre catégorique : à la rentrée, il entreprendra des études scientifiques. Alors que l’adolescent ne rêve que de devenir designer…

Avant de reprendre l’avion, il se renseigne : à Londres, c’est le Central Saint Martins College of Art and Design qui dispense la meilleure formation. John Galliano (Dior), Alexander McQueen, Stella McCartney et Paul Smith, parmi beaucoup d’autres, y ont étudié. Il rêve de marcher sur leurs traces, mais sait d’avance que sa mère s’y opposera. Qu’à cela ne tienne, il passe le concours d’entrée en douce et obtient une bourse. Depuis Londres, raconte-t-il, « j’ai appelé ma demi-sœur pour qu’elle informe ma mère. Réponse : “Si tu ne rentres pas dans deux jours, tu n’es plus mon fils.” Je suis resté. Elle ne m’a plus reparlé jusqu’à ce que j’obtienne mon diplôme, six ans plus tard. »

Seul à Londres, Kossi se constitue une nouvelle famille. « Pour la première fois de ma vie, je n’étais plus une bête à concours. Mes condisciples me ressemblaient. À Saint Martins, on m’a dit : “Tu es là pour apprendre à contrôler ce que tu es et non pour apprendre qui tu es, car ça, tu le sais déjà.” » Mais c’est surtout lors d’un voyage à Barcelone qu’il comprend que son imaginaire peu orthodoxe est une richesse. « En visitant la Sagrada Familia, d’Antoni Gaudí, j’ai été ébahi par tant de démesure. J’ai enfin accepté la folie que l’on m’attribuait. Gaudí, Einstein et d’autres étaient des fous. Mais ce sont eux qui ont fait le monde dans lequel nous vivons. »

Les génies sont rarement prophètes en leur pays.

À la fin de ses études, Aguessy s’installe à Paris, la capitale du luxe et de la parfumerie. « Je voulais créer des flacons, mais j’étais jeune et noir : qui pouvait me prendre au sérieux ? » Philippe Starck va le faire. En 2001, le célèbre designer français lui donne sa chance. « Pendant quatre ans, j’ai travaillé pour lui. C’était un peu l’usine, mais j’ai énormément appris. Il m’a aidé à puiser au fond de moi. » Très vite, tout s’enchaîne. Aguessy travaille pour les plus grandes marques. Il crée le flacon de parfum Stella McCartney, puis collabore avec Yves Saint Laurent, Swarovski, Cartier… En 2004, il se met à son compte.

Sa marque de fabrique ? Le mélange de matériaux. Sa manière à lui de vivre ses origines africaines et brésiliennes. « Le Brésil, où, enfant, j’ai passé toutes mes vacances, m’a apporté cette culture du beau, de la matière, du métissage et de la mémoire. L’Afrique de mon père m’a apporté une vision du monde. Même si je ne suis retourné qu’une seule fois au Togo, à l’âge de 10 ans, et que je n’ai plus de contact avec mon père, je ne me suis jamais coupé de mes racines. Grâce à ma mère, je parle yoruba et mina. »

« L’Afrique, poursuit-il, ne doit pas se couper de ses valeurs ancestrales. Pour rattraper son retard, elle doit avoir le courage de sauter une étape : oublier aujourd’hui pour mieux penser demain. » Togolais et Brésilien, Kossi Aguessy partage son temps entre Paris et Rotterdam et souhaite acquérir… la nationalité néerlandaise. « C’est un pied de nez à l’Histoire, dit-il, un rien provocateur. Moi, le Noir, je m’installe chez les Boers ! »

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Sources : www.jeuneafrique.com


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